Emile Friant (1863-1932)
La peine capitale, 1908
Art Gallery of Hamilton, Ontario
Notice de Art Gallery of Hamilton, Ontario concernant ce tableau :
Louise d’Argencourt voit très justement un autoportrait dans le visage du comdamné. (dans Ciel et terre dévoilés. trésors européens de la collection Tanenbaum, cat. expo., Hamilton, Art Gallery, 2005, p.239) Dès lors, l’oeuvre prend une autre dimension, transposition naturaliste et crypto-anarchiste des mythes d’Orphée et d’Apollon tels que les ont traités les symbolistes. (Dominique Lobstein, responsable de la bibliothèque du musée d’Orsay)
Lorsque ce tableau de Friant fut présenté à partir du 15 Avril 1908 sur les cimaises du Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, il s’inscrivait dans le contexte particulier d’un combat et d’un débat qui agitaient l’opinion depuis deux ans.
Le monde politique français fut dominé à partir des élections de 1906 par les radicaux de gauche. Armand Fallières était président de la République et Georges Clémenceau, président du Conseil ; ils furent soucieux d’appliquer le programme dit de « Belleville » qui prévoyait, depuis 1869, des réformes profondes en matière de justice et de liberté. Tous deux étaient opposés à la peine capitale – Fallières gracia tous les condamnés à mort durant son mandat – et leur projet prenait forme lorsque, au début de 1907, Albert Soleilland viola et tua une fillette.
La presse s’empara de la tragédie, et la grâce présidentielle qui fut accordée à celui que les tribunaux avaient condamné à mort le 23 juillet 1907 servit les anti-abolitionnistes. Le Petit Journal, soutenu, par exemple, par le docteur Lacassagne, défenseur acharné du maintient de la guillotine et bientôt auteur d’un Peine de mort et criminalité.
L’accroissement de la criminalité et l’application de la peine capitale (Paris, Maloine, 1908), organisa même un référendum entre septembre et novembre et reçut plus de 1 400 000 réponses, dont une large majorité était pour le maintient de la peine capitale. Le congrès radical et radical-socialiste de juillet 1907 ne se sentit pas obligé de suivre ses élus et demanda le maintien de la peine de mort, suggérant simplement que l’exécution ne soit plus publique mais que l’on y procède à l’intérieur des prisons, proposition qui ne fut appliquée qu’après le décret loi du 24 juin 1939 provoqué par le scandale de l’exécution d’Eugène Weidmann, photographiée et filmée par des spectateurs la semaine précédente. Les discussions passionnées qui eurent lieu sur le sujet de la Chambre des députés le 3 et 7 juillet, les 4, 11 et 18 novembre et les 7 et 8 décembre 1908, dont le Journal officiel nous a conservé l’ensemble des interventions et des réactions d’un hémicycle attentif et parfois houleux, n’aboutirent qu’au maintien de l’article 12 du Code pénal, qui datait du 20 mars 1792 et prévoyait la décapitation pour tout crime ne relevant pas du domaine militaire.