John Singer Sargent (1856-1925)
Gazés (Gassed), 1918-1919
Huile sur toile 231 × 611 cm
Imperial War Museum, London
Peintre américain, John Singer Sargent fut prié de créer une œuvre symbolisant la collaboration anglo-américaine. Bien qu'âgé de 62 ans, il se rendit sur le front de l'Ouest en compagnie de Henry Tonks en juillet 19183. Il passa du temps avec la Guards Division près d'Arras, puis avec le corps expéditionnaire américain près d'Ypres. Désireux de peindre une foule de personnages, il avait du mal à trouver une scène combinant des Britanniques et des Américains. Le 11 septembre 1918, Sargent écrivait à Evan Charteris:
« de nuit, je n'ai vu que trois bonnes scènes avec une foule d'hommes : une scène poignante, un champ rempli d'hommes gazés aux yeux bandés ; un convoi de camions remplis de « chair à canon » ; et une autre scène fréquente, une grand-route encombrée de troupes et de véhicules. Sans doute, cette dernière scène, qui réunit des Anglais et des Américains, est la meilleure à peindre si l'on peut éviter que la foule semble aller au Derby (E. Charteris, John Sargent, New York, 1927, p. 214). »
La « scène poignante » faisait allusion aux effets d'un barrage allemand dont Sargent avait été témoin le 21 août 1918 au Bac du Sud, entre Arras et Doullens, et où les Allemands avaient utilisé du gaz moutarde contre la 99e brigade de la 2e division d'infanterie du Royaume-Uni et la 8e brigade ) de la 3e division d'infanterie du Royaume-Uni pendant la seconde bataille d'Arras de 1918.
Tonks décrivit l'expérience dans une lettre adressée à Alfred Yockney le 19 mars 1920 :
« Après le thé, nous avons appris qu'il y avait de nombreux gazés au poste de secours du corps expéditionnaire de Bac du Sud, sur la route de Dollens, et y sommes allés. Le poste se trouvait sur la route et se composait de plusieurs cabanes et de quelques tentes. Les gazés ne cessaient pas d'arriver, guidés par des aides-soignants en groupes de six environ, tout juste comme Sargent les a représentés. Ils étaient assis ou étendus sur l'herbe, il devait y en avoir des centaines, qui souffraient manifestement beaucoup, surtout, j'imagine, aux yeux, qui étaient couverts d'une gaze... Sargent a été très touché par la scène et a pris aussitôt bien des notes »
Le Comité des monuments aux morts accepta de changer le thème de la commande, et Sargeant réalisa sa peinture dans son studio à Fulham en 1918 et 1919.
La peinture témoigne des effets des armes chimiques, décrits dans le poème Dulce Et Decorum Est de Wilfred Owen. Le gaz moutarde est un gaz vésicant persistant dont les effets ne deviennent manifestes que plusieurs heures après l'exposition à ce produit. Il s'attaque à la peau, aux yeux et aux muqueuses et cause de grandes vésicules, la cécité, la suffocation et le vomissement. La mort peut survenir en deux jours ou après plusieurs semaines de souffrances.
La peinture fut achevée en mars 1919. Elle fut exposée la première fois à la Royal Academy of Arts de Londres en 19197. Elle fut choisie pour peinture de l'année par la Royal Academy en 1919. Elle n'a pas été aimée par tous : E. M. Forster la jugeait trop héroïque. Elle est conservée à l'Imperial War Museum, avec plusieurs des études au fusain préparatoires9. D'autres esquisses au fusain sont détenues par la Corcoran Gallery of Art. Une petite étude à l’huile de 26,6 cm sur 69,1 (10,5 po sur 27,25), qui appartint à l'origine à Evan Charteris, fut vendue 162 050 £ (267 869 $) par Christie's en 2003.