Portrait d'un jeune homme, 1526
Gemäldegalerie, Berlin
Lorenzo Lotto fut un très grand portraitiste parce qu’il considérait chaque individu non comme le protagoniste d’une histoire, mais comme une personne quelconque, une parmi tant d’autres, avec laquelle on parle et on se comprend. À l'opposé de ceux du Titien, les portraits de Lotto sont les premiers psychologiques : ce ne sont évidemment pas des portraits d’empereurs ou de papes, mais des gens de la petite noblesse ou de la bonne bourgeoisie. Dans le nombre, figurent aussi ceux d’artistes, d’hommes de lettres ou d’ecclésiastiques.
Sa grande découverte, qui fait la modernité de Lotto, est précisément celle du portrait comme dialogue, échange de confidence et de sympathie, entre un « soi » et un « autre ». Ils sont des témoignages authentiques et crédibles, même si la description physionomique n’est pas plus minutieuse que dans les portraits du Titien. Car, plutôt que de fixer le personnage tel qu’il est objectivement, Lotto préfère le montrer à l’instant où il se qualifie, où il s’adresse à un autre, et se prépare à un rapport humain sincère. Il ne dit pas : « admire-moi, je suis le roi, le pape, le doge, je suis le centre du monde » ; il dit plutôt : « voilà comment je suis fait à l’intérieur, voilà quels sont les raisons de ma mélancolie ou les fondements de ma foi, voilà quelles sont mes sympathies ».
Dans le portrait-dialogue, l’attitude du peintre est celle d’un confesseur, d’un interlocuteur qui pose les questions et interprète les réponses. […] La beauté qui irradie, comme une lumière intérieure, de ses personnages n’est pas une beauté naturelle, ni même une beauté spirituelle ou morale, mais simplement la beauté intérieure trahie, plus que révélée, par un regard, un sourire, la pâleur transparente d’un visage ou la molle attitude d’une main » (Argan).
Ses portraits montrent tous son respect de la nature, ses dons innés de dessinateur et une personnalité artistique remarquable. Il parvient toujours à une silhouette hardie, à un placement imposant du modèle dans la toile., au choix d'un geste parlant ou d'une nature morte évocatrice. La palette est superbe : ses bleu ardoise, ses rouges rutilants, ses vert olive et ses riches contrastes d'ombre et de lumière donnent vie et mouvement à ses portraits aussi animés et magistraux que ceux de Titien, mais très différents1.
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2022 - Men Portraits
Un blog de Francis Rousseau