Egon Schiele (1890-1918)
Portrait du compositeur Arthur Löwenstein, 1909
Collection privée
Egon Schiele a d'abord peint ses sœurs, sa mère, son oncle, puis a élargi le cercle de ses modèles à ses amis artistes et aux critiques d'art ou collectionneurs s'intéressant à son travail — mais non aux célébrités viennoises comme le lui suggérait l'architecte Otto Wagner. Arthur Roessler observe chez lui une indéfectible fascination pour les personnages ou gestes expressifs stylisés : marionnettes exotiques, pantomimes, danses de Ruth Saint Denis. Le portrait de Roessler lui-même, en 1910, est ainsi structuré par un jeu de mouvements et directions contraires ; une forte tension intérieure émane du regard hypnotique de l'éditeur Eduard Kosmack ; une symbolique indécise — geste de protection ? mise à distance? — unit dans une certaine raideur Heinrich Benesch à son fils Otto. De tels portraits posent la question de savoir « qui, du sujet ou de l'artiste, met véritablement son âme à nu». Cessant de s'identifier à ses modèles (masculins) après 1912, Schiele témoigne d'une finesse de perception croissante, d'abord dans ses dessins puis dans les portraits de commande. Il parvient à rendre les états d'âme des modèles à l'aide d'un nombre réduit de détails, attitudes, mimiques, même si par exemple Friederike Maria Beer, fille d'une amie de Klimt, paraît encore un peu désincarnée, suspendue en l'air telle un insecte dans sa robe de la Werkstätte. Dans certains portraits, estimait Roessler, Schiele « était capable de retourner l'intériorité de l'homme vers l'extérieur ; on était horrifié de se confronter à la possible vision de ce qu'on avait soigneusement occulté ». Vers 1917-1918, l'artiste cadre toujours ses personnages de façon serrée mais se réapproprie l'espace autour d'eux, parfois un décor censé les représenter, comme les livres amoncelés autour du bibliophile Hugo Koller. Dans le portrait de son ami Gütersloh, l'application vibratoire des couleurs annonçait peut-être un nouveau tournant esthétique dans la carrière de Schiele.
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2023 - Men's Portrait
Un blog de Francis Rousseau