Jacques-Émile Blanche (1861-1942)
Portrait de René Crevel
Huile sur toile 116 x 81cm
Musée Carnavalet, Paris
Jacques-Émile Blanche bénéficie
d'une éducation cosmopolite, ayant été élevé à Passy dans une demeure
qui avait appartenu à la princesse de Lamballe. Afin de la transformer
en clinique, elle avait été acquise par son grand-père, Esprit Blanche,
psychiatre qui a compté parmi ses patients Gérard de Nerval. Son père,
Émile Blanche, est également aliéniste, travaillant dans le même
établissement. Cette maison gardait toujours une atmosphère empreinte de
l'élégance et du raffinement du xviiie siècle et a influencé ses goûts
et son travail. Élève de Stéphane Mallarmé, son professeur d'anglais au
lycée Condorcet à Paris, Jacques-Émile Blanche se lia d'amitié avec
Henri Bergson et André Gide. Excellent pianiste, il hésita à une époque
entre la peinture et la musique.
Bien qu'il ait reçu l'enseignement
d'Henri Gervex, Jacques-Émile Blanche peut être considéré comme un
peintre autodidacte. Il fit ses premiers pas dans le milieu mondain sous
la bienveillante protection du comte Robert de Montesquiou. Il acquiert
une grande réputation de portraitiste. Son style, vivant et raffiné,
porte l'empreinte de sources française et anglaise. Son père meurt en
1893 à Passy, en son domicile de la rue des Fontis, non loin de la
clinique familiale. L'année suivante, cette voie est renommée rue du
Docteur-Blanche. Jacques-Émile y résida également. En 1895, il épouse sa
confidente et amie d'enfance Rose Lemoinne. Il fut aussi ami des
surréalistes et des dadaïstes, parmi lesquels Jacques Rigaut, René
Crevel et Jean Cocteau, dont la mère était très liée avec la famille
Blanche. On peut compter parmi ses chefs-d'œuvre les portraits de son
père, du poète Pierre Louÿs, du peintre Fritz Thaulowet ses enfants,
d'Aubrey Beardsley et d'Yvette Guilbert.
Au début des années 1900, il
est nommé chef d'atelier à l'Académie de la Palette. À partir de 1903,
il expose au salon organisé par la Société nouvelle de peintres et de
sculpteurs, dont il est membre. En 1926 se crée la Société belfortaine
des beaux-arts, qui organise chaque année jusqu'à la Seconde Guerre
mondiale des expositions importantes aux musées de Belfort auxquelles
Jacques-Émile Blanche participe.
Il est élu membre de l'Académie des beaux-arts en 1935.
De
1902 et jusqu'à sa mort en 1942, il passe de longs moments dans sa
propriété du manoir de Tôt à Offranville, près de Dieppe. Il fait don de
nombreux tableaux et documents pour qu'y soit créé un musée. En 1995,
cette commune ouvre le musée Jacques-Émile-Blanche.
René Crevel (1900-1935) est
un écrivain et poète français, dadaïste puis surréaliste, et membre de
l'Ordre de Tolède de Luis Buñuel et de Federico García Lorca.
Né
dans une famille de la bourgeoisie parisienne, René Crevel suit sa
scolarité au lycée Janson-de-Sailly, où il rencontre Jean-Michel Frank
(qui devient décorateur) et Marc Allégret (qui devient cinéaste). Après
son bac, il fait des études de lettres et de droit à la Sorbonne mais
délaisse les cours pour la lecture ou les discussions avec des artistes.
Il fait la connaissance de Marcelle Sauvageot. Il n'a que 14 ans quand
son père se suicide.
Pendant son service militaire, il rencontre
Roger Vitrac et Max Morise. Il fait la connaissance d'André Breton en
1921 et rejoint les surréalistes. À la fin de 1922, il entraîne le
groupe dans les expériences des « sommeils forcés », que Breton accepte
avec bonne volonté dans un premier temps. Crevel impressionne par la
qualité de son éloquence au point que celui-ci regrettera que les
séances n'aient pu être enregistrées : « Nous aurions eu un document
inappréciable, quelque chose comme le « spectre sensible » de Crevel. »
Exclu
du mouvement en octobre 1925, il rejoint Tristan Tzara et dada. Il
participe comme acteur à la mise au point de la pièce de Tzara Cœur à
gaz dans un costume dessiné par Sonia Delaunay. Pour elle, il écrit
l'article Les Robes de Sonia Delaunay, dans lequel il exalte le talent
de l'artiste4. En 1926, il est atteint de tuberculose. En 1929, l'exil
de Léon Trotski l'amène à renouer avec les surréalistes. Fidèle d'André
Breton, il s'épuise à essayer de rapprocher surréalistes et communistes.
Membre du Parti communiste français depuis 1927, il en est exclu en
1933.
Il s'investit beaucoup dans l'organisation du Congrès
international des écrivains pour la défense de la culture, en 1935, où
s'inscrit le groupe surréaliste. Breton est désigné comme porte-parole.
Cependant, par suite d'une violente altercation avec Ilya Ehrenbourg,
qui représente la délégation soviétique, ce dernier obtient
l'interdiction de parole de Breton et son exclusion du congrès.
René
Crevel, qui ne peut pas imaginer l'absence des surréalistes à ce
congrès, en sort désabusé et écœuré. De plus, il vient d'apprendre, le
16 juin, qu'il souffrait d'une tuberculose rénale alors qu'il se croyait
guéri. La nuit suivante, il se suicide au gaz dans son appartement,
après avoir griffonné sur un papier « Prière de m'incinérer. Dégoût »
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